ET L’HORIZON S’ENFUIT D’UNE FUITE ETERNELLE ! …
Il vibre. À la lumière de l’obscurité, vibre inlassablement. L’horizon. Ligne au bout du monde, tracé originel, vibre au rythme de la nuit. Il n’est plus chaîne de montagnes, colline ou mer apaisée, il est son, danse et lumière ; geste, trace et souvenir. À la lumière de l’obscurité, l’horizon n’est plus frontière pour la rétine, mais porte ouverte à la vision. Nous nous mettons en route, et le parcours devient rêve initiatique.
Le voyage commence à la tombée du jour, basculement propice à l’introspection. Comme si l’expérience compromise du monde conduisait inévitablement à l’expérience de soi, on entre. Passé le pas de la porte, on entre, et tout de suite s’impose l’ambivalence de la réalité. Le jour et la nuit. Le positif et le négatif. L’autre et le moi.
C’est une clairière embrassée par la lune, de nuit, lumière ciblée se fraie un chemin dans l’obscurité et, atteignant la matière – des branches d’arbre, feuilles et herbes hautes – révèle la forme, la dévoile plutôt que de l’imposer. C’est ensuite le travail du dessin, la captation de cet instant volatile. Fixer l’expérience de la nuit, ce qu’elle fait à la forme, ce qu’elle fait à la vue, et tous les mystères qui en découlent. À la lumière de la nuit, le réel passe au filtre de l’imaginaire, qui dessine alors des paysages fantasmés.
Sylvain Ciavaldini a fait de l’étude de la forme – genèse et devenir – le cœur de sa pratique artistique. Depuis ses débuts dans les années 1990, ses recherches se sont principalement matérialisées dans le dessin, un dessin dont il expérimente les potentialités, et les marges. De temps à autre, ses expérimentations l’ont conduit à la sculpture, au design ou à la peinture, mais toujours le dessin structure la recherche.
Il en a exploré les techniques et matériaux, les histoires et symboliques, et continue de les parcourir. Nourri par une étude poussée de certains grands maîtres (Dürer, Bosch, Uccello, Giotto, Piranèse, Cézanne, etc.), il puise ses inspirations dans une iconographie très contemporaine, avec une pratique poussée de la collecte d’images numériques. Ici, les images se succèdent et nous renvoient à l’histoire de l’art, aux peintres paysagistes parfois, à l’étude de la nature morte, à la magie du clair-obscur.
Le dessin, lui, se fait intime, avec de petits formats nichés dans des structures de bois – lignes dans l’espace – mais aussi monumental, jusqu’à envahir les murs et happer le visiteur. Il se fait traditionnel tout en restant expérimental, techniquement et formellement. Il se fait enfin représentation sensible et évocation symbolique, ce qui constitue peut-être la double vocation essentielle du dessin, et plus généralement de l’art, des premiers traits déposés sur la roche froide de cavernes ancestrales, aux derniers environnements multimédias et performatifs de notre siècle.
La nuit poursuit son cours, et inéluctablement revient le jour. Le ciel s’éclaircit peu à peu et avant même que du soleil apparaissent les premiers rayons, déjà s’estompe l’obscurité. Dans cet entre-deux, naissent et grandissent les ombres, mémoires d’une obscurité mourante, résistances des souvenirs de la nuit. C’est la dernière étape de ce voyage, l’expérience devient mémoire, les ombres du souvenir dansent encore mais s’évanouiront bientôt. Nous sortirons alors, le rêve aura été vécu, mais resteront les images.
Grégoire Prangé
Lectoure, juillet 2021
8 avril > 18 juin 2023
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