Détail - Paysage aux bergers d'Arcadie - École française - Huile sur toile - 4e quart du 18e siècle - MNR159 - La provenance de cette œuvre n’est pas établie. En cas de spoliation, elle sera restituée à ses légitimes propriétaires.
Musée Labenche / Collections

Nazisme et spoliations : des œuvres d’art à l’histoire tragique

Le musée Labenche conserve six œuvres liées aux spoliations nazies. Témoins d’une période dramatique, certaines sont exposées dans l’espoir de retrouver leurs propriétaires. Pour la réouverture du musée au public, un nouvel espace qui rassemble ces oeuvres a été créé. Une plaquette de visite éditée en dialogue avec certaines oeuvres du musée Edmond-Michelet sera disponible gratuitement à l'accueil.
 

Musée Labenche / Collections

Les spoliations artistiques : de l’idéologie au pillage

 
Souhaitant assurer la domination artistique et culturelle de la « race aryenne », les nazis ont instauré dès leur arrivée au pouvoir en 1933 une politique de spoliations des biens culturels ; les Juifs en sont les principales victimes comme le montre la tapisserie L’Odorat, exposée dans cette section.
Initiées en Allemagne par le Troisième Reich, ces spoliations revêtent la forme de ventes forcées ou de confiscations dans tous les pays conquis. En France, dès août 1940, la saisie des biens des Juifs est ainsi lancée, puis facilitée par l’adoption de lois par le gouvernement de Vichy et étendue à toutes les catégories de personnes déportées (opposants politiques et francs-maçons notamment).
 
La France est le pays d’Europe de l’Ouest le plus pillé : plus de 100 000 œuvres d’art, ayant appartenu à des particuliers mais aussi à des musées, sont envoyées en Allemagne pour alimenter le futur Führermuseum de Linz ou les collections personnelles de dignitaires du régime. D’autres œuvres sont détruites, considérées par les nazis comme produits d’un « art dégénéré ». D’autres, enfin, se retrouvent sur le marché de l’art parisien et rejoignent des collections privées mais aussi publiques. En parallèle, des personnes luttent dans l’ombre contre ces vols institutionnalisés : Rose Valland (1898-1980), conservatrice et résistante, dresse ainsi un inventaire secret des œuvres qui transitent par le Jeu de Paume, musée choisi par les nazis comme entrepôt de transit pour les biens saisis.
 

Dans les musées : des œuvres à la recherche de leurs propriétaires
 

À la Libération, l’action conjointe des Alliés et de résistants français permet l’identification puis le retour en France de plus de 60 000 œuvres, dont 45 000 sont rapidement rendues à leurs propriétaires. Si la plupart de celles qui restent sont vendues, plus de 2 200 sont sélectionnées par des commissions et confiées à la garde des Musées Nationaux, pour laisser aux spoliés le temps de les réclamer.
Identifiées par des sigles différents selon leur typologie (MNR (Musées Nationaux Récupération) pour les tableaux), ces œuvres été déposées, sur tout le territoire national, dans de nombreux musées qui doivent les exposer et faciliter, par leurs actions, leur restitution à leurs légitimes propriétaires. Dès les années 1950, le musée de Brive reçoit cinq MNR. Présentés au public de l’établissement dans cette section dédiée, tous sont accessibles aussi dans le monde entier, grâce à la base Rose-Valland, catalogue en ligne de ces œuvres en attente de restitution en France.
 
Comme en témoignent ces cinq tableaux, l’historique de la majorité de ces œuvres est incomplet sur la période 1933-1945 si bien que leur spoliation est suspectée mais non confirmée. La complexité des enquêtes à conduire pour retracer leur parcours explique dès lors pourquoi la plupart d’entre elles sont toujours conservées dans les musées auxquels elles ont été confiées.
Le cas des œuvres spoliées durant la Deuxième Guerre mondiale bénéficie toutefois depuis les années 1990 d’une dynamique nationale et internationale, dont les États et les musées sont des acteurs-clés. Une multiplication des restitutions s’observe ainsi, de même qu’un élargissement des biens pouvant être restitués, qu’ils soient entrés de manière douteuse dans les collections muséales sous l’Occupation ou qu’ils figurent dans la catégorie sensible des collections extra-européennes.


La tapisserie l'Odorat, une spoliation qui a obtenu réparation


Acquise de bonne foi par la Ville de Brive avec le soutien de l’État et de la Région auprès d’une galerie d’art en 1995, cette tapisserie s’est avérée avoir fait l’objet d’une vente forcée par les nazis. Installée à Munich, la maison d’art A.S. DREY, dont les propriétaires étaient d’origine juive, a en effet été contrainte de vendre ses collections dans le cadre d’une vente de liquidation chez Paul Graupe le 17 et le 18 juin 1936 ; une tapisserie similaire à celle-ci figurait sur le catalogue de la vente sous le n° 493. En accord avec les pratiques nazies, les collections ont alors été vendues « à vil prix », c’est-à-dire en dessous de leur prix réel, la tapisserie, estimée 4 000 Reichsmark, ayant par exemple été cédée à 1 400 Reichsmark. Hormis un autre passage en vente aux enchères en 1953 à Paris, cette tapisserie disparaît alors et de nombreuses incertitudes demeurent sur son parcours depuis 1936.

Grâce à une étude récente conduite par les ayants droit de la maison d’art A. S. DREY et la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (Ministère de la Culture), l’identité entre la tapisserie vendue en 1936 et celle acquise en 1995 par la Ville a été prouvée en 2020. En vertu des principes de la conférence de Washington de 1998 sur les œuvres d’art volées par le régime nazi, un accord amiable a été trouvé en 2021 entre la Ville de Brive et les héritiers de la maison d’art A.S. DREY : ces derniers ont été indemnisés par la commune et la tapisserie figure désormais légitimement dans les collections du musée Labenche et de la Ville de Brive.


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